Comment faire lorsqu’on ne sait pas lire ou s’exprimer par écrit ?
Vous allez me dire, mais c’est la base « lire & écrire », on apprend cela dès notre plus jeune âge. Oui oui, mais pas pour tout le monde malheureusement. Comme dit précédemment dans l’article « Handi…quoi ? Tous dans le même bain, favorisons l’inclusion », il existe des handicaps visibles et invisibles qui nous rendent tous plus fébriles les uns des autres.
L’Illettrisme
L’illettrisme est un handicap invisible qui nous rend vulnérables vis-à-vis de la vie quotidienne. C’est une situation inconfortable pour des adultes ayant terminé leur scolarité mais qui ne maîtrisent pas ou insuffisamment la lecture, l’écriture et le calcul. En Belgique, un adulte sur 10 est en situation d’illettrisme. On parle de belges, nés et scolarisés en Belgique, sortant du système scolaire sans aucune maîtrise de base [1]. Être illettrée ne facilite pas la vie quotidienne qui est faite d’interactions en continu. Lire des étiquettes au supermarché, déchiffrer un mode d’emploi, gérer son courrier administratif, remplir un formulaire d’inscription, comprendre un horaire de train,… sont toutes des activités qui sont banales pour certaines personnes et un énorme challenge à surmonter pour d’autres.
Les conséquences de l’illettrisme
Les conséquences de l’illettrisme sont multiples à différents niveaux et contraignantes pour les personnes concernées. Au niveau personnel, ne pas maîtriser les connaissances de base de la lecture et l’écriture n’aide pas à avoir une haute estime de soi et c’est en général un petit jardin secret bien gardé. Il y aura toujours une honte et une souffrance présente chez la personne. Il y a certains facteurs individuels qui peuvent influencer cette dure réalité comme la non-identification à la culture de l’écrit, une situation de rupture (divorce, maladie, déménagement), un manque de pratique ou un rythme d’apprentissage (sans doute trop lent) non pris en compte par le système éducatif en place. Au niveau économique, c’est l’insertion professionnelle en pleine ère digitale qui est ambitieuse aujourd’hui. Avant, pour se trouver un travail en étant illettré, il fallait simplement ‘ignorer ce petit problème personnel’ et se trouver un travail manuel. La digitalisation des métiers ne facilite pas la tâche à l’illettrisme où se rajoute en plus « l’illectronisme » si la personne a un manque ou une absence totale de connaissances des outils informatiques. Selon une étude ICT, 39% des Belges entre 16 et 74 ans ont une capacité numérique nulle ou faible, se trouvant dans la moyenne européenne (43%). En tête, nous retrouvons le Luxembourg (15%) et les Pays-Bas (20%) [2]. Ces difficultés de communication au sein de l’entreprise peuvent accroître certains risques d’accident entraînant une hausse des absences. Dernièrement, au niveau social et culturel, les parents ne sachant pas lire ni écrire auront du mal à bien suivre l’éducation de leurs enfants, à participer à la vie culturelle et associative ainsi qu’à remplir leur rôle en tant que citoyen.
On pourrait dire que les parents transmettent l’illettrisme à leurs enfants, mais ce singulier raccourci de la pensée n’est pas une causalité. Il faut prendre un tas de variables en compte, entre autres celles de l’école. L’école est la source d’apprentissage principale des enfants dès leur plus jeune âge. Chaque enfant arrive avec son cadre familial (revenu, culture, langage,…). Il y a une diversité énorme au sein des classes et c’est au professeur d’amener ses élèves vers les sommets. En effet, les enfants venant de milieux sociaux défavorisés n’ont pas les mêmes facilités qu’un enfant ayant grandi dans un milieu favorisé, mais ce n’est pas pour autant de sa faute. Pénaliser l’enfant pour son cadre familial ne va pas l’aider à prendre confiance en lui ni à apprendre. Divers études ont conclu que : au plus la compétence est scolaire (ex : mathématiques), au plus l’effet socioéconomique sur les résultats est important. Les choix d’orientation lors de question de doublement est souvent posé par l’institution scolaire et fait croître les inégalités. Afin de contrer ces inégalités, l’alphabétisation familiale dote les familles de milieu populaire de compétences permettant de lutter (partiellement) contre l’accroissement de ces inégalités à l’école. Il y a 3 temps d’inégalités où l’alphabétisation peut contrer ces inégalités :
- Le temps A : différences linguistiques lors du parcours primaire ;
- Le temps B : écarts dus au milieux socioéconomiques plus défavorisés ;
- Le temps C : redoublement de la première primaire.
C’est à l’école que tout se joue
L’éducation, on n’arrêtera jamais de le prononcer, est crucial dès la petite enfance. Dès la maternelle, il faut aller à contre-courant de l’acceptation des inégalités. Par exemple, on entend souvent dire « « Avec la famille que cet enfant a, c’est normal qu’il soit en difficulté ! ». L’effet Pygmalion ou Rosenthal augmente quand un enfant en difficulté d’apprentissage ne sera pas soutenu par ses parents. Et si le professeur s’y met aussi, cela ne s’annonce pas glorieux. Une autre tendance, appelé « le surajustement didactique », où les professeurs facilitent un apprentissage ‘guidé’ pour les élèves, diminuant leurs capacités de réflexion [3].
A titre d’exemple, Teach for Belgium, soutenu par Semlex For Education, est une ASBL qui prône l’égalité des chances de réussite pour tout élève peu importe leur origine socio-économique.
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Rédigé par Emilie de Gerlache pour Semlex For Education
[1] Hainaut matin, « Un adulte sur dix est en situation d’illettrisme en Belgique ! », Vivacité
[2] S. Legleye, A. Rolland, «Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base », INSEE Première, n°12789, 30/10/2019.
[3] A. Godenir, « La production de l’illettrisme, à l’école, dans les classes », Journal de l’alpha, n°194